Des extraits de trois biographies réalisées en 2018 et 2019
L’être humain s’enrichit des rencontres, la nôtre a bouleversé ma vie à jamais. Vivre à tes côtés pendant vingt ans a été un enrichissement humain et intellectuel de tous les instants. Tu m’apportais réconfort et protection. Nous n’avions pas besoin de nous parler pour nous comprendre. Maman t’appréciait beaucoup, elle te savait de très bon conseil.
Comme un signe du destin, une semaine avant ta disparition, tu m’as raconté dans le détail toutes les étapes de ta vie. Je ne veux pas perdre ce testament au combien précieux pour moi. Écrire ce livre est ma façon de te remercier et de te rendre hommage. C’est aussi une thérapie car, six ans après, je n’ai toujours pas fait le deuil. J’ai pour toi une reconnaissance éternelle.
L’été, nous allions en vacances chez mon oncle Henri et ma tante Huguette qui possédaient une ferme dans l’Yonne. Maman restait au G.car le café ne fermait pas. Nous aidions la famille pour la moisson. L’une de mes activités préférées était le stockage des ballots de paille. Nous prenions plaisir à transférer les bottes de la charrette vers l’élévateur. Mon oncle, chargé de les réceptionner dans le grenier, criait : « N’allez pas trop vite, n’allez pas trop vite ! » en levant les yeux au ciel... Cela nous faisait rire. Et mon petit frère, mes cousins, mes cousines et moi nous amusions aussi.
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J’ai rencontré Paul pour la première fois en janvier 1961, à son retour d’Algérie (il y avait passé 27 mois et 27 jours). Lui aussi était membre de l’association. Ce fut tout de suite le coup de foudre. Tous les lundis après-midi, profitant de la fermeture du café, il venait boire un « Vittel-fraise ». J’attendais sa venue avec impatience et je lui ouvrais la porte avec empressement.
Quand j’avais cinq-six ans, pendant l’hiver, quatre ou cinq habitantes profitaient de la chaleur dégagée par le vieux four pour venir faire sécher leur linge à la boulangerie. Elles montaient l’escalier et étendaient les vêtements sur les fils situés dans le grenier. C’était une aubaine pour ces femmes dont la maison était très petite. Il y avait un roulement : un jour pour mes grands-parents, un jour pour mes parents, et le reste de la semaine pour elles. Jusqu’au moment où des chicaneries sont apparues. « Oui, elle m’a piqué des épingles » accusait l’une, « elle m’a piqué ceci, elle m’a piqué cela » se plaignait l’autre. Mon grand-père a rapidement coupé court à ces querelles de chiffonniers et a classé l’affaire : finis ces petits services, le linge chacun chez soi.
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à l’époque, les jeunes de quatorze ans préféraient trouver un travail plutôt que de poursuivre leurs études. Même Charles, le premier du canton, qui avait pourtant l’opportunité de travailler chez un notaire, a décliné la proposition et a préféré repasser des pantalons dans une petite usine ! Il était tellement doué qu’il rangeait ses cahiers dans son sac à la fin de la journée de classe et revenait à l’école le lendemain sans même les avoir ouverts. Bien décourageant pour moi…